21 févr. 2017

CRIS LUNA : Phoenix

Nous ne voyageons jamais par la route. Tous les gens sensés l'abandonnent. (H.G. Wells)
 
 
Effectivement, ici granitent chemins de traverse et sous-bois touffus, que le timide s'evertuera à éviter mais que l'affamé de franches sensations saura apprecier.
 
Troisième album donc, et Cris Luna fier comme un tronc surplombe de son incroyable talent la forêt des médíocres.
Débroussaillons pour le néophyte : Cris Luna, c'est avant tout Christophe Schoepp, auteur / compositeur / interprète / shredder, génial touche à tout, qui offre avec ce nouvel album "Phoenix" un manifeste de pur Rock N Roll décomplexé, un condensé transgénerationnel de ce que cette musique electrifiée a pu faire éclore de meilleur à travers ses distortions et éjaculations homériques.
 
Ici il y en aura pour tous les (bons) goûts, toutes les bourses, du grunge adolescent "Bloody Fangs" qui louche du coté du "Tiny" de Dinosaur Jr  au néo-gothico-roccoco "Neither Here Nor There" aux ambiances dignes d'un Peter Murphy dans ses jours sombres, évoquant aussi les matins priapiques d'un Wayne Hussey de bonne humeur. Mousse rampante qui colle aux semelles et tempo menaçant l'inquietude est palpable.
"Love And Hate" fera perdurer la sensation poisseuse, Cramps dans son intention, simili-leather et pop (iggy) dans sa cambrure. Ça sent le cadavre. mais le cadavre avec bas-resilles.
Du style, donc.
 
Mid-tempo s'ébrouant comme une affamée haridelle, dans ce pré, plus rien à brouter : "Heavy Metal Kids" laisse les souvenirs s'étioler, Angus, Flying V, mais bon diou que reste-t-il de nos jeunes années...? On subodore au fil des écoutes une diffuse nostalgie  ("Play Me Over" ou encore "There Will Be Love"),  qui entrelace ses sinueuses racines tout au long de ces onze compositions idéalement fixées par Laurent Lepagneau au Studio Dizzcover  à Liverdun.
 
La (toujours) grande force de Cris Luna est de proposer sous des armoiries flashy (la réussie cover du digipack invite à un défouloir Rock n' Rollesque qui finalement sera bien plus introspectif qu'on ne pouvait l'imaginer de prime abord) un make-up ideal qui sierait et à un Paul Stanley sans plateform boots (pour la forme) et à un Robert Smith défrisé avec des épingles à nourrice dans le nez (pour le fond).
 
Imaginez les lancinantes guitares du Heroes de qui vous savez avec une rythmique roots invoquant le Boss dans une tuerie absolue nommée "Lords Of Luna" (co-écrite avec Fabrice Dechoux) et dissonante dans ses arpèges dignes du meilleur Pixies et vous aurez alors l'essence même la sêve du trio Cris Luna (Nicolas Fageot à la basse, véritable Simon Gallup made in France et Ben Cazullini le Kali de ces peaux Chris officiant aux vocaux, synthés et guitares lumineuses), c'est à dire une musique offrant un eclectisme rafraichissant s'affranchissant de toutes normes et étiquettes réductives.
 
Ce que confirme "Exit" avant dernier morceau, belle et longue pièce hypnotique qui n'aurait nullement dépareillée sur des albums de Air, Suède ou encore sur les oeuvres solos de Lloyd Cole. Comme un goût de poussière d'étoiles...
Decidement ce Phoenix par sa beauté caresse l'âme.
 
l'album se conclue par une déflagration au doux intitulé de "Fuck Me ! I'm a Banker", déforestation organisée laissant emerger ici et là quelques restes fumants des MC 5 et autres Dead Kennedys (Califórnia Uber Alles).
 
Alors, lové dans un nid d'épices et de cendres le fabuleux oiseau bientôt reprendra son vol. Et vois, les cîmes seront tapis de flammes et le ciel baume pour nos regards admiratifs.
Epines noires dans la poche à l'orée du bois je lêve les yeux :
l'auguste Phoenix se consume.
Pour mieux renaitre.
 
Avec ce phenomenal Phoenix, Cris Luna une fois encore tutoie les Anges. Les Anges du Rock.
Lemmy, Bon et tous les autres.
C'est l'Histoire de sa Vie.
 
"In Rock We Live In Rock We'll Die "